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Gestion des Ressources Humaines, digital et culture africaine

Kadia Moisson, directrice DÉVELOPPEMENT Afrique pour Grant Alexander, nous éclaire sur un continent en plein boom RH.

 

Ce mois-ci, elle nous propose un entretien avec Yves-Bernard Koby, DRH de SUCRIVOIRE, filiale du groupe SIFCA. 

 

 

Dans cette interview, il nous livre son regard sur l’impact de la culture africaine dans la Grh  des SOCIÉTÉS IMPLANTÉES en afrique. et comment la transformation digitale s’y s’opère.

 

 

K. Moisson : Vous avez exercé de hautes fonctions de cadre dans les Ressources Humaines pendant plus de 15 ans en Afrique au sein d’entreprises de renommée internationale. Y a t-il une gestion des RH propre aux entreprises africaines ?

 

Y.B. Koby : Les entreprises opérant en Afrique sont soit des entités locales, soit des multinationales africaines ou étrangères. La question de l’existence d’une GRH propre à ces entreprises mérite plutôt d’être posée dans le contexte des multinationales étrangères. La GRH, en tant que science à part entière, repose sur des principes, démarches et outils universels qui devraient pouvoir s’adapter aux particularismes locaux. Or, la spécificité des sujets africains au travail dans lesdites multinationales me semble insuffisamment comprise, acceptée et prise en compte pour une gestion optimale du capital humain.

Plusieurs raisons pourraient justifier l’inexistence d’une GRH propre aux entreprises africaines. Primo, la logique d’harmonisation des pratiques RH dans les multinationales ne contribue pas à l’émergence d’une GRH nourrie des spécificités de l’Afrique. Secundo, l’impact des filiales africaines sur leur chiffre d’affaires mondial ne justifie pas toujours la conception et le déploiement de solutions RH taillées pour l’Afrique. Le fameux slogan « Think globally , act locally » y conserve une dimension plus philosophique que pratique. Tertio, les équipes RH du continent continuent d’implémenter des pratiques ayant prouvé une remarquable efficacité sous leurs cieux, mais dont la pertinence est contestable dans notre contexte socio-culturel.   

Au final, les lois et conventions collectives régissant le travail apparaissent comme les plus puissants facteurs de l’adaptation des pratiques RH au contexte local. Ces textes, parce qu’ils résultent d’âpres négociations entre partenaires sociaux, contribuent à un bien meilleur ancrage des pratiques RH dans nos réalités socio-culturelles.  

 

K. Moisson :  L’environnement culturel africain a-t-il un impact, une incidence sur le management des entreprises et la gestion des RH ?

 

Y.B. Koby : Absolument !  De puissants déterminants culturels exercent une influence sur le comportement des salariés africains.

La famille africaine, tentaculaire par essence, exerce des pressions financières, psychologiques, etc. sur le travailleur africain. Des réflexes claniques ou tribaux continuent de miner les décisions de gestion, d’embauche ou de promotion.  Le respect sacrosaint dû aux ainés nous conduit encore à faire preuve d’une regrettable passivité face à leurs écarts de performance. L’affect, trop présent dans le champ professionnel, tend à reléguer au second plan l’exigence de résultat à l’égard de tous. De plus, le mythe du chef favorise un management par la soumission au lieu d’un management participatif.

Les points que j’évoque pêle-mêle ici font partie d’un chapelet d’obstacles culturels à la performance de l’entreprise et à une bonne gestion des RH en Afrique. En 1998, Marcel Zadi KESSY en faisait la charpente d’un ouvrage monumental intitulé « Culture africaine et gestion de l’entreprise moderne ». 

Cependant, si l’influence de la culture est forte, il ne faut cependant pas rester prisonniers de clichés, d’ailleurs vieillissants. En effet, au cours des vingt dernières années, le continent africain a fait des progrès considérables avec un taux de croissance économique annuel moyen supérieur à 4%. Plusieurs forces sont à l’œuvre, modifiant le comportement de l’africain au travail : démographie, urbanisation, internet et médias, révolution digitale, éducation, retour des cadres de la diaspora, professionnalisation de la fonction RH…

La jeunesse d’aujourd’hui, plus urbaine, n’a pas toujours été élevée dans la pure tradition africaine. Plus individualiste que collectiviste, elle tend volontiers à s’émanciper des pesanteurs que j’ai exposées précédemment. Les médias occidentaux et l’Internet exercent une influence vive et décisive sur l’évolution des mentalités et des comportements professionnels.

Des talents locaux nés dans les années 70 – 85  et des diplômés de la diaspora accèdent à des postes décisionnels sur le continent. Il n’y a jamais eu autant de cadres locaux à la tête de multinationales en Afrique qu’aujourd’hui.

Le renouvellement des comités de direction contribue à l’émergence d’un leadership africain plus évolué, participatif et résolument orienté vers la performance.

La légendaire tolérance face à la non-performance est mise à rude épreuve par la pression du résultat dans un contexte de compétition féroce. Ainé ou pas, il faut délivrer.

Dans le même esprit, le mythe du chef perd graduellement de sa vigueur face à une génération de salariés ne demandant qu’à s’exprimer et croyant en son potentiel. Les jeunes africains aspirent à avoir des leaders ou des coachs et non plus des chefs. Le rapport à la hiérarchie est en pleine mutation.

Outre les comportements, l’environnement de la fonction RH change. La tendance est à la professionnalisation des RH. Des hommes de métier prennent les manettes de la fonction RH et celle-ci fait sa mue à l’échelle du continent. 

La mise en place de processus de recrutement de plus en plus sélectifs réduit le risque de décisions d’embauches basées sur une logique tribale. Les DRH ont pris conscience du rôle critique qu’ils ont à jouer pour l’émergence d’une culture d’entreprise porteuse de performance.

Enfin, l’intérêt croissant d’entreprises pour les concepts de Conformité et d’Ethique, ainsi que le renforcement des dispositifs de contrôle interne incitent à prendre des décisions dans l’intérêt exclusif du business. 

Pour conclure, il faut chausser de nouvelles lunettes pour apprécier la dynamique actuelle plutôt que de s’attacher à des clichés sur le management des entreprises africaines. Certes, nos valeurs et croyances exercent une influence indéniable sur les comportements professionnels des africains. Mais celles-ci sont en réellement en train de perdre du terrain. Les lignes bougent à bas bruit et cette tendance est irréversible.

 

K. Moisson : Depuis quelques années, nous vivons dans nos sociétés modernes, une nouvelle révolution, la révolution du numérique, de l’économie digitale et il faut s’adapter à l’avènement de cette nouvelle ère qui impacte l’écosystème de l’entreprise, sa stratégie de développement et sa performance. 

L’Afrique est très en vue en termes de digital du fait de son incroyable saut technologique. Comme toutes les ruptures technologiques majeures dans les process et les métiers, un certain nombre de questions se posent aux  entreprises africaines  et plus particulièrement aux professionnels des ressources humaines tels que vous.  Qu’est ce qui a changé dans l’organisation du travail et dans le leadership ?

 

Y.B. Koby : Comme vous le savez, notre travail implique le traitement et l’archivage d’un volume important de documents et de données. Dans la transition numérique en cours, les changements majeurs dans l’organisation de notre travail consistent en la dématérialisation des documents, l’automatisation de flux de travail ou de tâches fastidieuses. Une revue comparative de pratiques RH dans l’agro-industrie montre que toutes les entreprises sont touchées par le raz-de-marée numérique, mais à un degré différent selon leur niveau de maturité. 

Les pratiques les plus courantes observées sur le terrain sont l’automatisation de la gestion des congés, des déclarations sociales, du suivi des contrats de travail, du traitement de certaines variables de la paie, la numérisation de documents RH et la mise en ligne du dossier des employés.

De même, des outils collaboratifs permettent d’assurer la gestion de la performance, du recrutement via des plateformes dédiées. Dans le domaine de la formation, on note une explosion de l’offre de formation via les SPOC, MOOC, les bibliothèques virtuelles, etc. 

La digitalisation a également changé la façon de communiquer. Les journaux mensuels ou trimestriels d’entreprises, semblent perdre de leur intérêt aux yeux d’employés en quête d’un accès quasi instantané à l’info via les réseaux sociaux d’entreprises ou les groupes constitués sur les réseaux sociaux.

La dématérialisation des informations et le développement des outils collaboratifs rend possible le travail à distance.  Cependant, les rares entreprises ayant osé le télétravail ont dû se raviser. En effet, pour certains travailleurs, télétravail a été assimilé à des journées sans travail. 

On ne le dit pas assez souvent mais la transition numérique est aussi un phénomène sociologique eu égard à son impact sur notre mode de vie. En effet, au-delà des objets connectés, plateformes et réseaux divers évoluant à une vitesse exponentielle, il y a des mentalités et comportement qui n’évoluent pas au rythme des outils. Le leadership n’a pas encore évolué pour tenir compte des exigences de l’ère numérique

 

K. Moisson : Le DRH est aujourd’hui perçu comme un véritable Business Partner et un garant du Capital Humain, impliqué dans les  grands projets de transformation. L’’économie digitale s’appuie sur des compétences techniques fortes. Or, même si l’Afrique a de sérieux atouts du fait de sa jeunesse, une bonne partie d’entre elle est d’ores et déjà exclue du mouvement par le manque de formations.

Ensuite, les centres de formation s’ils sont chaque année plus nombreux, ne forment pas encore assez d’ingénieurs et d’experts en nouvelles technologies. Ainsi est-il probable que le nombre de ressources qualifiées capables de mener la transformation digitale dans les sociétés africaines ne soient pas assez nombreuses ? La concurrence pour attirer ce type de ressources est mondiale et le besoin en ingénieurs des pays occidentaux leur font ouvrir les bras à tous les candidats à l’immigration bien diplômés. 

Et sur place, les  GAFAM et certains Grands Groupes internationaux créent désormais  des centres de recherche ou des Campus /learning attirant les meilleurs de ceux qui ne veulent pas partir à l’étranger. Il faudra donc que les entreprises africaines se montrent ingénieuses pour ne pas se priver de ces ressources indispensables à leur évolution et à leur performance. Comment allez vous appréhender cette guerre des Talents ? 

 

Y.B. Koby : Vu l’écart immense entre la demande et l’offre de compétences, nous sommes véritablement face à un problème d’une ampleur inédite. Aucune entreprise africaine ne peut y avoir de réponse durable. En effet, même si elle arrivait à trouver ces ressources rares, il serait extrêmement difficile de les retenir.

La guerre des talents dans le numérique peut être conduite selon deux choix tactiques. En application de la règle «Build or Buy», nous pouvons soit développer les compétences dont nous aurons besoin, soit les acquérir. Le second choix, celui du recrutement, ne serait pertinent que sur un marché où existent des ressources qualifiées.

Et là encore, leur rareté poserait inévitablement un problème tout aussi critique de rétention des talents. Dans le contexte africain, il faut donc explorer sérieusement la seconde option : développer les talents.

Les enjeux de la révolution numérique dépassent largement les capacités de formation de toute entreprise évoluant en autarcie. Pour y faire face, les entreprises gagneraient à agir sur deux leviers. D’abord, les associations patronales devraient œuvrer à des fins de création de centres nationaux ou sous-régionaux de formation aux métiers du numérique. Ensuite, elles devraient faire pression sur les pouvoirs publics afin que des avantages fiscaux substantiels soient accordés à ces Centres. Une fiscalité au service du numérique est souhaitée et possible vu que le numérique fait partie de la stratégie de développement de la plupart des Etats africains.

Si aujourd’hui le Rwanda fait figure de pionnier dans la transformation numérique en Afrique, c’est en raison d’une volonté politique manifeste. Depuis 2012, la « Africa Digital Media Academy » a été créée à Kigali. Son but : former des spécialistes du numérique de classe mondiale. Et elle y parvient. Les Rwandais créent des solutions numériques pour les entreprises et l’Etat rwandais. D’autres pays, comme l’Egypte, l’Afrique de Sud, le Ghana ont des politiques publiques en faveur du numérique et des progrès sont réalisés.

 

Pour conclure, c’est tout l’écosystème de la formation qui, sous l’impulsion des entreprises et avec le soutien des Etats, doit se mettre en mouvement pour produire les ressources dont les entreprises ont besoin dans le cadre de la transition numérique.

Ensuite, on pourra parler de guerre des talents.

 

 

Novembre 2019 – Kadia Moisson – Consultante Développement Afrique

kadia.moisson@grantalexander.com – 06 63 11 85 86

 

 

Note biographique Yves-Bernard Koby

Titulaire d’un diplôme de 3ème cycle en  Gestion des Ressources Humaines (Université de l’Atlantique), Yves-Bernard KOBY est également CHRM (Certified Human Resources Manager) de l’International Academy for Business and Financial Management (IABFM).

Après une brève expérience de consultant RH, il travaille chez COGIM-TECNOA comme Chef de Service RH et Administration de 2004 à 2006. Ensuite, il sert pendant 6 ans, à divers postes, chez Nestlé en Côte d’Ivoire et au bureau régional pour l’Afrique occidentale et centrale. Puis, il devient DRH du Groupe Olam en Côte d’Ivoire avant de rejoindre le géant suisse Novartis Pharma en qualité de DRH Afrique Francophone Centrale et Occidentale.  Depuis 2017, il occupe le poste de DRH de SUCRIVOIRE, filiale du groupe SIFCA.

Ivoirien d’origine, âgé de 43 ans, Yves-Bernard KOBY est marié et père de deux enfants. Il aime la marche, la lecture et la pêche.



L’art de diriger – Qu’est-ce qui fait les grands managers ?

A la frontière entre management et commandement, quelles sont les dimensions qui permettent d’optimiser la performance managériale ?

 

Olivier Lajous, consultant et conférencier, a officié pendant 38 ans dans la Marine. Fort de ce parcours où engagement, confiance, courage et humilité se côtoient pour réussir, il intervient auprès des entreprises pour partager avec leurs équipes les clés de la performance des individus et des organisations. Rencontre et échange de points de vue avec Henri Vidalinc, Président de Grant Alexander, autour des dimensions qui font les grands managers.

 

Qu’est-ce qui vous a amenés, chacun à votre manière, à vous intéresser à la performance managériale ?

OL – Durant ma carrière d’officier de marine, de simple marin jusqu’à amiral, j’ai pu observer dans des environnements souvent hostiles et des conditions de discipline particulières, les différents styles de commandement. Les dirigeants les plus marquants ont tous dans leur façon d’être quelque chose d’inspirant, la juste présence, le juste ton, une autorité naturelle. J’ai également acquis la conviction qu’on ne peut réussir qu’en équipe et que l’efficacité managériale est clé.

HV – Avant de me consacrer au conseil RH, j’ai croisé dans mon parcours en entreprises de nombreux managers qui m’ont amené à m’interroger sur ce qui fait la légitimité dans la fonction. Un bon manager sait donner envie à une équipe de le suivre. Il y a dans la fonction managériale une dimension présentielle qui transcende les codes, de l’ordre de l’aura : ce que l’on dégage, ce que l’on projette, et ce indépendamment d’un physique qui en impose. Il faut cultiver la différence. La question est finalement de savoir si ces dispositions peuvent se développer.

 

Selon vous, quelle est la part de l’inné ? Et celle de l’acquis ?

OL – Tout individu se trouve face à une obligation d’être parmi d’autres. L’inné compte bien sûr : un tempérament est issu de composantes génétiques et environnementales. Mais l’acquis ouvre de nombreux possibles pour se dépasser. L’Autre est un moteur de changement et de progression. Plus on est confronté à l’Autre dans l’altérité, plus on sera dans une dynamique de construction et de succès : capacité à aller à la rencontre de la différence, sortir de ses habitudes, aller vers la vie en collectivité, les sports de haut niveau, les environnements extrêmes (mer, montagne, forêt vierge…), etc. La confiance en soi s’ouvre par l’expérience, le challenge, et non uniquement par l’injonction.

HV – Il est important de faire preuve d’humilité pour apprendre. L’ouverture à l’expérience de l’autre permet d’aller vers une meilleure conscience de soi. Plus on connait ses forces et ses faiblesses, plus on est en mesure de progresser. Il est important de se sentir responsable de son destin. Avoir conscience de ses faiblesses permet d’aller chercher les compétences et ressources dont on a besoin. Un bon manager doit également savoir identifier dans une équipe les forces et les faiblesses de chacun.

 

Trouve-t-on des similitudes entre commandement et management ?

OL – Manager et commander sont en réalité les deux facettes d’une même chose -l’art de diriger- qui se conjuguent dans l’espace-temps. Quand on n’est pas dans l’immédiateté opérationnelle, on manage. Le commandement vient naturellement après le management. La légitimité de commander dans le temps rapide de l’action (dire où il faut aller) découle naturellement d’un bon management dans le temps lent de la réflexion (aller vers l’autre). Dans tous les cas, cela repose sur une forme d’autorité naturelle, subtile mélange de savoir-être, de savoir-faire, de savoir-faire-faire et de faire-savoir, pour partager et donner envie.

HV – La notion de préparation est fondamentale. L’autorité naturelle se complète forcément d’une autorité de compétence qui assoit la crédibilité. Mais la bonne nouvelle c’est que les deux se cultivent. Un bon manager doit avoir à la fois du charisme et du fond pour être capable de durer dans le temps. Il est celui qui sait : diplômes, apprentissage, expérience, connaissance du métier, des codes… Et il est celui qui montre/démontre : chez Grant Alexander, nous croyons qu’au-delà des compétences professionnelles et de la personnalité, on peut mesurer et développer les dimensions mentales propices à la réussite (confiance en soi, conscience de soi, de ses équipes, capacité de concentration, gestion de ses émotions, de son environnement, détermination, …). C’est notre philosophie Athlete Thinking.

 

Comment prend place l’autorité naturelle dans le fonctionnement managérial ?

HV – Ce qui incarne le mieux l’autorité naturelle est à mon sens la légitimité dans la décision. Un bon manager doit avoir la capacité à trancher, la prise de décision agile. Pour cela, il faut être prêt à tout moment pour décider quelle que soit la situation. Et pour cela, il faut rester concentré. On en revient au comportement de l’athlète. Celui qui permet d’agir quand il le faut avec toutes ses capacités mobilisées.

OL – Une équipe ne peut réussir qu’avec un chef qui décide. Pour bien préparer la décision, il faut s’entraîner à décider en évitant les règles qui enferment et qui interdisent. Et ne jamais croire qu’il y a une seule façon de répondre à une situation. La bonne réponse vient de l’expérience, elle n’est jamais écrite d’avance. Il faut expérimenter des scénarios. Cela revient à développer la capacité à aller chercher la règle qui va permettre d’être au bon moment dans la bonne réponse. Quand on sait que dans tout choix, il y a une prise de risque, on mesure le besoin de s’éduquer à l’audace. Et de savoir gérer son mental et ses émotions.

 

Savoir gérer son mental et ses émotions au service de la performance peut-il s’éduquer ?

HV – On ne peut ignorer les émotions et l’affect sous prétexte qu’on se trouve dans un contexte professionnel. Un manager doit faire preuve d’humanité, doit être capable de montrer ses sentiments, l’expérience doit permettre de mieux canaliser ses émotions. Le bon manager qui a su gagner la confiance de ses équipes doit accepter de se faire challenger par elles.

OL – Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’armée n’est pas un monde dénué de sentiments. C’est même un cadre propice à l’hyper-émotion. Face à des situations extrêmes, il faut savoir ne pas céder à la panique, à la peur, à la colère. C’est pourquoi il est important de ne pas craindre ses émotions afin de les connaître et de les contrôler, pour savoir les utiliser à bon escient. Vouloir les ignorer c’est prendre le risque de se laisser envahir par elles et de tomber dans la faute. On en revient à la gestion et à l’optimisation des caractéristiques mentales nécessaires à un management efficient. Nous avons tous des dispositions innées mais également une capacité de développement qu’il ne faut pas négliger.

 

– Octobre 2017 –

Henri Vidalinc est Président de Grant Alexander.

Olivier Lajous est consultant et conférencier.

Marin de l’Etat pendant 38 ans, il a commencé sa carrière comme matelot du service national et l’a terminée comme amiral. Il a navigué 16 ans, commandé trois navires et participé à la résolution de nombreux conflits armés des années 1980 à 2003 (Afghanistan, Iran-Irak, Liban, Libye-Tchad, Yémen-Erythrée). Il a été directeur de la communication, directeur du centre d’enseignement supérieur puis directeur des ressources humaines de la marine nationale. Il a également servi en cabinet ministériel, auprès du ministre de l’Outre-mer. Elu DRH de l’année en 2012, il est auteur de « L’Art de diriger ” (éditions L’Harmattan).



Dépasser ses limites dans le monde professionnel

Citius, Altius, Fortius

Dépasser ses limites dans le monde professionnel

 

Toujours plus haut, toujours plus fort. Que faut-il penser des managers qui dépassent leurs limites ? Grégoire Beaurain, consultant en Practice Finance et coach, nous livre son point de vue à la suite d’une conférence qu’il a organisée à l’Edhec autour de quatre managers qui expérimentent dans leur vie personnelle et professionnelle le dépassement de soi.

 

 

J’ai toujours adoré lire les pieds de CV. Chasseur de tête, je suis aussi un grand curieux qui aime découvrir les passions des uns et des autres. J’opère souvent cette « bascule » vers les centres d’intérêt en fin d’entrevue, lorsque le courant passe et que les masques peuvent tomber. J’y découvre des sujets très intéressants et en profite pour peaufiner ma culture générale.  J’avoue aimer les gens passionnés, leur énergie est contagieuse.

J’ai ainsi rencontré récemment un excellent contrôleur de gestion qui me parla de sa passion pour la NBA et pour son plus grand entraîneur à date, Phil Jackson. Cela m’a amené à commander les trois ouvrages qu’il m’a recommandés et m’a permis de découvrir les coulisses du basket-ball américain.

Au fil de mes rencontres, j’ai, entre autres passionnés, fait la connaissance de nombreux marathoniens et trailers. Un constat s’impose : beaucoup de directeurs généraux, de managers en pleine ascension, sont épris de ces nouveaux sports ; les grands sportifs sont légion parmi les directeurs financiers ; et le nombre d’ultra-trailers va croissant. En plus d’attiser ma curiosité, ces rencontres et ces constats ont activé ma fibre compétitrice. Je me suis donc lancé dans la discipline du marathon et ai couru mon premier Marathon de Paris en 2013. 

Outre l’intérêt naturel que j’ai pour le sport, cela a éveillé dans l’esprit du fervent chasseur de tête que je suis une question : existe-t-il une corrélation entre performance (réussite professionnelle) et dépassement de ses limites, que ce soit par le sport ou par d’autres engagements (posture dans la vie) ? Ou, autrement dit, avec un clin d’œil à mes amis sportifs du monde RH : mes short lists de candidats pourraient-elles être établies à partir de classements de marathons ou de trails ?

Ce questionnement induisant un corollaire : fait-on un marathon parce que l’on est né performant ? Ou devient-on performant parce qu’on fait un marathon ?

Il était donc assez naturel pour moi de réfléchir à cela en réunissant des managers qui dépassent leurs limites pour défricher le sujet et en faire profiter les nouvelles générations, vivier de futurs managers. C’est pourquoi j’ai organisé avec l’Edhec Alumni une conférence réunissant quatre invités : Jean-Marc Delaville, CFO de ZF Services France, François Halfen, Sales Planning Director de Nike France, Bertrand Lellouche, CFO et Executive Partner de SystemUp, et Bénédicte Tilloy, Directrice Générale adjointe de SNCF Réseau.

C’est là qu’il convient de souligner à nouveau que le dépassement de soi ne s’exprime pas que dans les disciplines sportives. Ainsi, si Jean-Marc et Bertrand nous ont fait partager leurs exploits pédestres… trails, ultra-trails ou marathons, François son ascension du Ventoux à la force des bras… au bénéfice d’une Association caritative, c’est une passion non sportive mais tout aussi captivante physiquement et mentalement qui a poussé Bénédicte au-delà de ses limites personnelles et professionnelles : la peinture…

Tous les témoignages concordent. Ce qui caractérise ces individus qui dépassent leurs limites est un cocktail de passion, de rigueur, de plaisir, d’humilité, de partage et de pensée collective. Réaliser ses rêves a des impacts croisés dans les vies privée et professionnelle. Cela demande une grande discipline dans le quotidien car si le besoin de se dépasser est inscrit dans leur nature profonde, il n’est réalisable de manière harmonieuse et porteur de fruits que s’il est mis en œuvre de manière structurée. On constate aussi beaucoup d’humilité dans leurs propos. Il y a une forme de logique dans ce dépassement, ce n’est pas un coup de tête.

Alors à la question que nous nous posions plus haut (qui de la poule ou de l’œuf ?), je répondrais que les deux sont vrais. On se dépasse parce qu’on a ça en soi. Et parce qu’on se dépasse, on devient plus fort et on a envie d’aller plus loin. Mais le déclic peut aussi venir de la mise en situation apportée par d’autres. Car avant toute chose cette démarche correspond à une recherche de sens. Et elle recèle en elle un besoin naturel de partage des expériences ainsi vécues, sans prosélytisme… mais il faut bien avouer que c’est contagieux.

Ainsi Bénédicte Tilloy, dans sa fonction de DG adjointe de SNCF Réseau, n’a pas hésité à déployer sa passion pour l’expression graphique au profit du personnel avec notamment ce bel exemple de partage avec un conducteur de Fret passionné de Street Art : à eux deux, ils ont mobilisé un réseau d’artistes qui a transformé son train en œuvre d’art.

Je retiens aussi, entre autres, l’expérience de François Halfen qui, grâce à sa passion pour le sport et son talent pour le faire vivre dans des événements d’entreprise fédérateurs, a donné à Nike l’envie de créer pour lui un poste sur mesure. Et avec lui c’est une brèche pour les personnes handicapées qui s’est ouverte dans cette entreprise qui illustre le dépassement de soi : Just do it !

C’est ce que j’aimerais vous inviter à faire…

 

Mai 2017 – Grégoire BeaurainConsultant en Practice Finance et coach, il anime régulièrement des formations et conférences en écoles de commerce et sur les réseaux sociaux.

Dans le cadre de l’association Edhec Alumni, il a animé le 15 mai 2017 la conférence « ces managers qui dépassent leurs limites ». Ses invités étaient Jean-Marc Delaville, CFO de ZF Services France, François Halfen, Sales Planning Director de Nike France, Bertrand Lellouche, CFO et Executive Partner de SystemUp, et Bénédicte Tilloy, Directrice Générale adjointe de SNCF Réseau.



Animation d’une conférence sur l’Intelligence Emotionnelle

Grégoire Beaurain, Directeur de la Practice Finance chez Grant Alexander, a animé le 13 décembre dernier une conférence sur l’Intelligence Emotionnelle avec Fabrice Putois, Responsable Formation du Groupe RHI et Gilles Corcos, Consultant chez Odyssee Motion.

Administrateur depuis 2009 de l’Association Edhec Alumni des diplômés de l’Edhec, VP Carrières de son bureau et fondateur en 2015 du Club Carrière et Développement Personnel qui compte à ce jour 500 membres, Grégoire Beaurain organise plusieurs fois par an des rencontres avec des décideurs afin d’échanger sur les clés de la performance managériale.

Cette conférence a souligné la place prépondérante des émotions dans notre vie quotidienne et professionnelle, ainsi que leur contribution à la performance.

Selon Daniel Goleman, deux tiers des résultats d’une entreprise sont dus aux compétences émotionnelles des collaborateurs. Le cerveau limbique est sans nul doute le cerveau des cerveaux. Comme le dit Otto Schammer (MIT), « la prochaine étape d’évolution est de relier la tête et la main à l’intelligence du cœur ».