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Recrutement dans la tech, de la frénésie post-Covid à la grande prudence. – Christophe de Bueil, Directeur Général Practice Digital & Technology, pour Journal du Net

Revenons en arrière quelques instants. Il y a deux ans, le monde de la Tech vivait une période de folie post-Covid.

 

La pandémie avait bouleversé les paradigmes économiques, le monde basculait dans une incertitude inédite, mais le secteur technologique a émergé comme l’un des rares domaines à prospérer. L’argent n’était pas un problème, les valorisations prenaient une tournure délirante, et les fonds d’investissement ouvraient généreusement leurs vannes. Dans ce contexte inespéré, de nombreuses scale-ups ont saisi l’opportunité d’une croissance exponentielle, recrutant presque frénétiquement, avec un focus quasi exclusif sur le chiffre d’affaires, la croissance, et les parts de marché.

 

La frénésie de recrutement et l’ère de l’argent facile

 

La croissance à tout prix. La course à la valorisation. L’EBITDA ? Non, c’est le chiffre d’affaires qui compte. Multiplions-le par 5, 7, 12, et pourquoi pas 20 ! Et voilà combien vaut la société, et combien je vais pouvoir lever au prochain tour de table. Mais pour accélérer cette croissance, pour « scaler », et rêver devenir la prochaine « Licorne », les entreprises de la Tech, petites et grandes, ont rivalisé de pugnacité pour attirer les meilleurs talents, offrant des packages salariaux très attractifs, et des projets très stimulants. Une période faste pour nous les chasseurs de têtes, surtout ceux qui ont bâti leur réputation et leur réseau au sein de cet écosystème software, et notamment au sein des « hyperscalers » américains. Ces acteurs tech US ultra puissants, qui n’ont qu’une idée en tête : décliner leur modèle en Europe, en recrutant les bons profils (plus souvent sales / business, le produit et la R&D étant principalement au sein du siège). Au plus haut de cette courbe (2021), les créations de postes représentaient près de 70% des missions de recrutement.

Plus largement, les fonds d’investissement ont injecté des sommes considérables dans des start-ups certes prometteuses, mais ultra dépensières (le fameux cash burn déraisonné), contribuant ainsi à une bulle d’investissement qui semblait destinée à éclater soudainement : l’objectif principal était de conquérir des parts de marché, sans se soucier un seul instant du résultat net, de la rentabilité, ou de la pérennité du modèle économique.

 

La chute de la bulle et le marché de remplacement en 2023

 

Cependant, comme on pouvait s’y attendre, cette bulle a fini par éclater au milieu de l’année 2022. Le contexte géopolitique international fragile n’a rien arrangé. Les fonds ont commencé à se montrer plus prudents, les valorisations ont été réévaluées, et l’argent gratuit a tout simplement disparu. Le marché de la Tech a connu une transition significative, passant d’une période de création effrénée de postes à un marché de remplacement.

C’est bien simple, en 2023, la dynamique du recrutement a considérablement changé. Les entreprises ne créent presque plus de postes, encore moins de manière impulsive, mais se concentrent plutôt sur des remplacements. De 70% en 2021, la proportion de créations en 2023 a chuté à 30% ! Les entreprises de la Tech font le dos rond, attendent que le marché reparte, et que la confiance revienne. Elles adoptent une attitude plus conservatrice, évitant les prises de risques excessives. L’audace et la confiance en l’avenir qui caractérisaient le marché il y a deux ans ont cédé la place à une temporisation et à une attitude beaucoup plus attentiste.

 

Et en 2024, les leçons du post-covid ?

 

L’évolution du recrutement dans le monde de la Tech au cours des deux dernières années illustre tout simplement la volatilité inhérente au secteur. De la frénésie post-Covid à la prudence actuelle, les entreprises ajustent leurs stratégies pour s’adapter à un environnement économique en constante évolution. Le marché de remplacement en 2023 reflète un retour à la réalité et souligne l’importance de la durabilité et de la rentabilité dans la construction d’entreprises technologiques solides.

2024 devrait donc être une année charnière, avec un retour « à la normale », c’est-à-dire un juste milieu entre 2021 et 2023. Néanmoins, les leçons du début des années 2020 ont été retenues ; les entreprises adoptent une approche novatrice pour conforter leur résultat net. Cette nouvelle ère voit émerger des stratégies axées sur le produit via la R&D, l’intégration d’outils d’intelligences artificielles, des investissements dans des postes clefs avec une attention particulière à la rétention client, et une montée en gamme des partenariats techniques.

Pour les profils « Executive », outre les compétences techniques, certaines compétences et connaissances spécifiques peuvent être cruciales pour réussir dans un rôle aussi exposé. Par exemple le leadership stratégique, la gestion de l’innovation, la gouvernance des datas, et la sensibilité aux questions éthiques (i.e. la capacité à aborder les questions éthiques liées à la technologie, notamment en ce qui concerne la vie privée, la sécurité et l’utilisation responsable de l’IA).

En 2024, tous ces profils vont aussi devoir démontrer une compréhension approfondie du secteur dans lequel ils opèrent, ainsi qu’une agilité et une ouverture d’esprit face aux changements constants. Il n’est plus question ici de dérouler un plan (Scale) et de dupliquer un modèle qui aurait marché ailleurs. En 2024, le « Country Leader », le « General Manager », ou le CEO (global ou régional), c’est un profil qui est aussi capable de gérer de la décroissance, de piloter des indicateurs en faveur d’une profitabilité poussée, le tout dans un écosystème de plus en plus exposé à des incertitudes marché qui peuvent venir de toutes parts.

Il y aura donc sans nul doute des plans de recrutements ambitieux, pilotés par des objectifs de croissance élevés, mais aussi et surtout par des enjeux de rentabilité cohérents. Les deux sont compatibles et ils sont même indissociables.

 

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