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De l’envie inhibitrice à l’envie créatrice – Malek A. Boukerchi pour l’ouvrage “Envier ou avoir envie”

EXTRAIT DU NOUVEL OUVRAGE COLLECTIF DU CERCLE DU LEADERSHIP « Envier ou avoir envie »

 

Par : Malek A. Boukerchi, «Guetteur-tisseur de rêves», anthropologue du lien social, philo-conteur-conférencier, ultra-marathonien de l’extrême

« L’Homme pauvre, ce n’est pas celui qui n’a rien, c’est celui qui envie. »
Sénèque


Des logiques désastreuses de l’envie inhibitrice aux logiques heureuses de l’envie libératrice           

Une ode à l’E.N.V.I.E. créatrice comme une Épistémologie Narrative des Vertus Impliquantes d’Engagement
Nous vivons une époque étrange.
Cette époque n’a-t-elle pas sa part de responsabilité dans le caractère dépressif de nos sociétés d’abondance, marquées par l’immédiateté, la vitesse généralisée. Sociétés accélérées surtout par la caisse de résonance, « Influence », terrible des réseaux sociaux. Ces miroirs de réussites fulgurantes, orientées presque exclusivement sur l’acquisition de biens matériels et du « prestige » d’être vu…
Ainsi, quand nous investissons une quelconque affaire (jouer d’un instrument de musique, chanter, créer son entreprise, faire un régime, pratiquer un sport, etc.), nous voulons partout en percevoir les fruits, tout de suite, maintenant, avec la performance éclatante de la réussite visible.

 

De l’envie-inhibitrice-impatience (EII), êtres de besoins matériels…

 

En balisant et en banalisant l’accès à nos envies matérielles, notre société de confort a édulcoré notre ardeur qui ne peut se forger qu’au feu de l’attente et du désir de conquête. Celle du renoncement aux facilités du « tout de suite ».
Ce rétrécissement du temps entre l’envie et sa réalisation nous fait déserter de plus en plus souvent les chemins de la patience, de l’effort et de la persévérance. Ces vertus d’engagements constructifs !
Car il en faut du temps à la graine pour devenir fleur, fruit ou arbre… Le bambou et le chêne dans leur biotope naturel ne se font pas concurrence : ils sont en interdépendance et trouvent les interstices pour grandir ensemble en symbiose.
L’EII (clin d’œil, à prononcer « aye »), véritable poison que nous distillons à l’intérieur de soi, fonctionne sur la comparaison du manque et la convoitise. Car tout manque à qui tout fait envie sur le plan de la matérialité. Mais pourquoi s’attarder sur ce qui nous manque ? Méditons plutôt cette sage pensée d’Ésope : « C’est le jouir et non le posséder qui rend heureux. »
Quand l’EII cède la place à l’envie patience du vivre juste, alors la pureté du regard et la simplicité du cœur prennent le relais du vivre en symbiose avec soi et l’écosystème Terre. 
Un seul mot d’ordre pour tenir, se tenir : « Fais de ton impatience, ton pire ennemi » (adage zen).

 

… à l’envie-libératrice-patience (ELP), êtres de désirs autres

 

L’ELP n’est pas une fatalité à subir, mais un défi exaltant de soi pour les Autres. C’est une attention-tension en nous qui met en appétit, en juste attente pour se réaliser autrement. Prendre soin, ne pas piétiner, entrer en harmonie avec tous les Autres (Objets, Nature, Humains) en finesse. Respecter le rythme des maturations et des éclosions du vivre autrement en commensalité…
Cette ELP, c’est l’appel de la vie, qui nous permet de nous sentir pleinement vivants. Notre vraie dimension n’est pas dans la dimension envieuse matérielle des avoirs, mais bien dans le déploiement d’un élan – je dirai et j’assume – « spirituel ». Cette part d’invisible des envies qui nous habitent et qui font surtout sens…
Ce qui menace le plus notre vie quotidienne, c’est l’usure de l’émerveillement, la lente déperdition d’énergie de l’enthousiasme de croire au beau et au digne de nos Humanités. Raison de plus de solliciter l’ELP comme on sollicite un muscle, avec patience, en lui faisant régulièrement un peu d’exercice. Car ce qui dure vient d’abord de ce qui endure !
Cherchons à accroître plutôt notre richesse de vie intérieure en orientant nos désirs vers ce qui relie, ce qui fait prospérer l’unité, la réconciliation, la joie ; et là, l’envie prend toute son ampleur !
Réapprenons l’art du rythme et du temps : nous redécouvrirons grâce à l’ELP posée, la saveur délicate de toute chose et, par la constance de l’effort, la pérennité des résultats souhaités au nom de l’harmonique vibratoire.

 

Pour une incarnation réelle de l’ELP : vibrer en ultra-marathon de l’extrême (UME)

 

Pour partir vers l’inconnu, pour oser titiller les limites de l’insondable du corps et du mental, il est nécessaire d’adopter et d’adapter une attitude mêlant confiance de soi et exigence. Et l’alliance de ces deux vertus génère une posture dite d’émerveillement de questionnements, de l’ELP de se co-naître/connaître.
Alors…
Il était une fois un champ de bataille de paires de jambes martelant la poudreuse de pas répétés et cadencés. Il était une fois une mini-cohorte de passionnés de courses de l’extrême, où les pieds, les jambes sont des ailes de colombe glissant sur les sables atemporels et les neiges immortelles éclipsant les limites entre terre et ciel… Nous sommes capables aujourd’hui de traverser les déserts chauds et polaires en autonomie totale sur des distances de plus de 800 kilomètres en moyenne…
Et l’art de courir, de se dépasser dans l’effort en conditions extrêmes est à l’image de la vie, à l’image de nos cœurs qui sont semblables à un champ de bataille. Deux camps se confrontent en permanence : la peur et le courage, l’abandon et la ténacité, l’effondrement et l’encouragement, l’envie compétition versus l’envie coopération, « l’EII versus l’ELP »…
Courir contre ou avec, lutter contre ou pour, brandir le poing ou tendre la main… Les logiques du pour et de l’ELP me portent, via les rencontres qui me nourrissent. Effectivement, grâce aux peuples premiers, adeptes du futile et non de l’utile, présents dans ces lieux inhumains, je peux continuer à voyager dans ces immensités désertiques, loin de nos sociétés de « consumation » à tout-va…
Si à l’âge de mes 10 ans, de mes 30 ans, un quelconque devin moderne, quidam ou ami, ou que sais-je encore, m’avait affirmé que j’aurais l’opportunité de fouler le sol antarctique par exemple, je lui aurais rigolé au nez en lui balançant : « Chimères, élucubrations, du grand n’importe quoi ! » Or, quand le verbe « raisonner » (envie matérielle) prend le pas et étouffe le verbe « résonner » (envie spirituelle), notre mélodie secrète intuitive intérieure risque de s’éteindre progressivement…
Je suis devenu un grand enfant de l’UME, un peu par hasard, mais hasard qui s’est cultivé au fil de mes rencontres joyeuses. Elles ont alimenté mes envies d’ailleurs et de profondeurs de soi… Et les UME sont des courses non seulement de solitude durant l’effort certes, mais des courses aussi solidaires par les énergies des partenaires et des peuples qui vous soutiennent dans votre quête.
Mais pour en arriver à ce stade, il y a eu toute une démarche inter/intra-personnelle de convictions pour trouver les ressources permettant de féconder cette ELP.
Réussir ses envies, c’est partager, croire en soi pour les Autres, continuer à avancer en dépit des vents contraires, être une sentinelle permanente de soi et des Autres…
Réaliser ses ELP au nom des Autres, c’est simplement s’engager dans ce que l’on est en train de faire, ici et maintenant, sans comparaison aucune, et de réaliser qu’alors, ce n’est plus de défi qu’il s’agit (qu’il soit sportif ou autre), mais bien de jeu, de joie, d’enthousiasme à célébrer parce que le sens surgit !
Être UME, par goût du défi et de ses envies profondes fécondes, c’est aussi considérer les peurs comme des vertus, le découragement comme une élégance, les doutes comme des réponses, le détachement comme une échappatoire, les Hommes et Femmes croisés ici et là-bas comme des romans, la vie comme une berceuse, la blessure comme exercice de joies, la perte comme délivrance vers un nouvel horizon…
Et sans ELP (= HELP, un autre clin d’œil de nos interdépendances créatrices, car ensemble, on va beaucoup plus loin), pas de carburant !

Gardons finalement en mémoire-promesse les propos d’un Alfred de Musset : « Pour réussir dans le monde, retenez bien ces trois maximes : voir, c’est savoir ; vouloir, c’est pouvoir ; oser, c’est avoir1. »
Voir, vouloir, oser : Attention, Volonté, Audace comme deviseingrédient de l’ELP, comme mot d’ordre de l’engagement synergique de nos énergies libératrices et créatrices !

 

1. Alfred de Musset, Barberine [1853], Acte I, scène 4

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