Executive search en 2020 : plein emploi ou marché trompeur
17.01.2020
Édouard Normand, responsable de notre practice digitale, a eu l’expérience de recruter pour deux structures dont les processus de recrutement ont débuté pendant la période de confinement. Il nous livre son point de vue de recruteur et cite également les observations d’Étienne de Verdelhan, CEO d’Airfree, qui lui a confié le recrutement de leur CTO.
Tous les professionnels français ont été affectés par le Coronavirus, avec plus de 9 millions d’employés placés en chômage partiel et d’autres allant héroïquement travailler pour nous soigner, nous protéger et nous approvisionner. Nous leur en sommes profondément reconnaissants.
Pour les autres, le télétravail est souvent le seul moyen de rester opérationnel, et la plupart des entreprises ont suspendu leurs recrutements. Les conséquences sont inévitablement importantes pour les candidats et les recruteurs professionnels. Cependant, tout n’est pas perdu et certaines entreprises parviennent à recruter des profils après avoir reçu leurs candidatures durant la période de confinement elle-même.
J’ai moi-même eu l’expérience de recruter pour deux structures dont les processus de recrutement ont débuté pendant le confinement. Dans les deux cas, il s’agissait de postes stratégiques requérant des compétences en management et en relation client.
Bien sûr, cela soulève certaines questions : comment est-il possib
le pour une entreprise d’intégrer quelqu’un dans ses effectifs sans l’avoir rencontré physiquement ? Pourquoi changer de poste et être en période d’essai avec si peu de visibilité ?
Notre métier de recruteur subit une transformation majeure car nous ne pouvons plus rencontrer tous les candidats que nous recrutons pour nos clients.
Dans le domaine professionnel, une grande partie de ce que nous pensons et ressentons se révèle par notre langage corporel et l’expressivité de notre visage. Ceux-ci créent les conditions de signaux faibles qui nous permettent de communiquer plus naturellement.
Les outils de visioconférence ne remplacent pas les entretiens en face-à-face car de nombreux signaux faibles nous échappent et il est difficile pour certaines personnes d’être à l’aise dans ce type de situation. Par exemple, se regarder dans les yeux est un besoin humain naturel et essentiel dès le plus jeune âge. Ces outils produisent une impression de contact visuel qui peut parfois induire en erreur les interlocuteurs et entraîner des comportements inadaptés.
Au-delà des vertus professionnelles que les rencontres avec les candidats apportent, c’est surtout la rencontre humaine qui nous manque et qui est une nécessité fondamentale pour notre bien-être. Après tout, nous sommes des animaux sociaux. Plus nos interactions réelles et positives avec d’autres êtres humains sont nombreuses, plus nous nous sentons à l’aise et confiants dans notre quotidien.
Cela dit, dans le domaine du recrutement digital que je représente, nous connaissons depuis longtemps une pénurie de talents significative et croissante : la rapidité de recherche de profils et des processus de recrutement est un facteur clé sur un marché très concurrentiel.
Le confinement nous oblige à compenser une baisse temporaire de certaines capacités d’interaction en face-à-face en améliorant notre travail à distance, et j’ai pu constater plusieurs avantages à cela.
Nous parlons davantage d’éléments extra-professionnels qui créent un climat plus chaleureux et convivial. L’engagement est plus fort des deux côtés et, en fin de compte, nous apprenons à mieux nous connaître lors d’échanges moins formels. Nous sommes plus naturels, empathiques et moins sur la défensive les uns envers les autres.
De plus, les candidats parlent plus concisément de leurs expériences professionnelles et le temps que nous économisons en échangeant par visioconférence ou téléphone peut être réinvesti, si nécessaire, dans des entretiens complémentaires de coaching et de développement.
C’est donc aussi très compatible avec notre approche Athlete Thinking®, qui nous permet de préparer les candidats aux entretiens clients de la même manière que nous préparons les athlètes pour des compétitions sportives.
D’autres points positifs à retenir pour les candidats :
La concurrence qu’ils affrontent est différente et moins dense que d’ordinaire.
Les recruteurs professionnels ont plus de temps pour cibler les entreprises en fonction des profils.
Du fait des deux points précédents, ils ont la possibilité de postuler pour des postes auxquels ils n’auraient peut-être pas été éligibles deux mois plus tôt pour diverses raisons.
De plus, si l’on prend le cas des entreprises capables de recruter, des éléments à très forte valeur ajoutée peuvent être observés :
Les candidats potentiels ont eu plus de temps pour réfléchir à leur carrière et sont plus facilement accessibles.
Les recruteurs professionnels ont aussi eu plus de temps à consacrer à leurs recherches car ils travaillent sur moins de recherches simultanément.
Grâce aux points précédents et aux éléments mentionnés plus haut, les processus de recrutement peuvent donc être raccourcis. Dans mon cas, les processus de recrutement ont été très rapides (3 semaines dans les deux cas avec 3 à 4 entretiens) car toutes les parties avaient davantage de disponibilité et les offres d’emploi ont été signées électroniquement. Recruter maintenant permet aux entreprises d’être mieux préparées pour la fin de la crise et constitue un signal fort permettant de gagner en visibilité et de valoriser leur marque employeur.
Pour revenir au poste de CTO mentionné au début de l’article, le candidat et le client ont accepté de prendre le poste avant la fin du confinement, avec un élément de formation à distance pour permettre le transfert de compétences le plus tôt possible.
Étienne de Verdelhan, CEO d’Airfree, qui développe une solution duty-free en ligne dédiée aux compagnies aériennes, nous livre son avis sur ce recrutement inédit :
« Il s’agissait de recruter un CTO – un rôle stratégique dans notre entreprise. Si nous n’avions pas été en confinement, nous aurions certainement procédé différemment. Pour toutes les parties impliquées, rencontrer le candidat en personne aurait été plus approprié, mais il nous a semblé que, dans un contexte où les recruteurs sont moins nombreux, la qualité du candidat présenté par Grant Alexander constituait une opportunité intéressante pour nous, et nous l’avons saisie. Si nous ne nous étions pas positionnés, il aurait probablement trouvé un poste dans une autre entreprise et nous n’aurions pas été prêts pour la croissance de notre activité après la fin du confinement. »
En définitive, bien qu’il ne fasse aucun doute que la rencontre en face-à-face reste idéale et essentielle dans le recrutement digital, le confinement – comme toutes les grandes crises traversées par l’humanité – nous a permis de prendre du recul. Nous pouvons nous adapter en restant efficaces tout en appréciant le processus. Ce test est sans doute aussi une opportunité pour chaque être humain de progresser et d’être mieux préparé lorsque la situation sanitaire retrouvera davantage de stabilité.
edouard.normand@grantalexander.com